Cette traversée peu classique et très peu documentée n'est pas à mettre entre toutes les mains, non pas à cause de la difficulté technique mais du fait du rocher extrêmement friable sur la partie difficile (proche de la pointe des Arbennes) : un vrai tas de cailloux !
Pourtant avec quelques précautions un peu de mental et une bonne habitude du terrain d'aventure total, il s'agit d'une traversée reliant deux sommets marquants du nord du massif des Aravis, enchainement logique et assez rapide après la longue et sauvage montée à la pointe d'Areu par le passage du Saix et la cheminée d'Areu.
Ne vous attendez pas au beau calcaire de l'arête du Doigt de la pointe Percée : c'est tout l'inverse. Si la première longueur clé vous impressionne, la boucle de randonnée alpine (sans escalader l'arête finale) qui fait redescendre par les pentes exposées sud-est est déjà magnifique.
La vue est extraordinaire sur la montagne de Chérente et les Bornes à droite, les Aravis et la pointe Percée impressionnante en face et bien sûr la vallée de l'Arve, le massif du Mont-Blanc et la multitude de sommets des Fiz et des Dents du Midi sur la gauche.
Réalisée en octobre 2021, je la décris dans le sens qui me parait le plus logique, du nord au sud (voir description technique). La traversée effectuée en sens inverse du sud au nord, aura surtout l'avantage de présenter les passages les plus difficiles à la montée, mais l'inconvénient de devoir descendre le premier ressaut par un rappel de 15 m avec des ancrages pas forcément simples à trouver dans du rocher délité.
Conditions : l'arête sommitale rocheuse sèche vite, mais l'accès depuis Magland (Montferrond) et la cheminée d'Areu reste plus longtemps gras avec des pentes raides et herbeuses, souvent exposées parfois au dessus de grandes barres rocheuses.
Matériel : Selon les conditions, un petit piolet peut être sécurisant pour l'accès plutôt que des bâtons. Et pourquoi pas des crampons s'il reste de la neige ! Le port du casque n'est pas ridicule, d'autant que vous l'aurez emporté pour l'arête finale, le passage sous de grandes barres et pentes raides truffées de bouquetins joueurs doit faire réfléchir.
Pour l'arête rocheuse pourrie entre Areu et Arbennes : un brin de corde de 30 m suffisant, 3-4 coinceurs (Camalot 0.3 à 1 m'ont suffit en 2021), quelques sangles ou cordelettes dont certaines à laisser si besoin.
Description de l'itinéraire :
Cette description n'engage que moi, l'évolution du rocher et le sens de l'itinéraire de certains permettra sans doute de trouver d'autres options ! Nous l'avons parcouru dans le sens Nord-Sud, parcours plus logique selon moi même si plusieurs passages de l'arête rocheuse finale se font ainsi à la descente.
Accès à la pointe d'Areu depuis Magland : il est bien de se garer AVANT Montferrond pour préserver le calme de ce petit coin de paradis. Plusieurs parkings le long du chemin carrossable, lorsqu'on croise le GR96, vers 1000 ou 1100 m.
De là via le GR96, passage du Saix, puis à gauche sur la vire d'Areu entre les 2 barres rocheuses (sente peu marquée mais visible), cheminée d'Areu (passage raide où l'on pose les mains, sans difficulté en conditions normales).
La cheminée débouche dans la très belle combe suspendue qu'on remonte (sente rive droite), puis traversée à droite pour atteindre et remonter un couloir un peu pénible jusqu'à une petite brèche au pied de l'arête Nord de la pointe d'Areu (bitard caractéristique). Remontée de l'arête jusqu'au sommet.
Cet itinéraire est maintenant décrit sur plusieurs sites de randonnée alpine. Il reste peu fréquenté et était encore plutôt confidentiel ces dernières années, sauf des maglanchards !
Traversée pointe d'Areu - pointe des Arbennes : après une courte et belle arête horizontale, la sente descend dans les raides pentes exposées dominant les Tours d'Areu (c'est la boucle décrite sur certains sites). Echappatoire possible donc, même si le plus simple à ce stade est sans doute de faire demi-tour.
Maintenant encordés nous restons sur l'arête qui devient progressivement rocheuse, en rocher délité mais facile, jusqu'à venir buter sur un ressaut raide d'une vingtaine de mètres bien visible de loin : c'est le passage clé obligatoire dans ce sens.
Un premier petit ressaut délité (un coinceur possible) donne accès au pied d'un pilier compacte mais avec quelques prises fragiles, où aucune protection n'est possible. Une escalade très exposée de 5-6 m (IV/IV+ délicat ?), petit coinceur dans une fissure loin à droite au milieu et le pilier s'incline, plus facile en rocher très délité jusqu'à une arête quasi horizontale. On peut faire relais un peu plus loin (sangle + coinceur).
La première partie de l'arête est facile, toujours en rocher pourri demandant des précautions, mais c'est presque de la marche et l'arête est relativement large. Toutes les parties horizontales sont ainsi, assez larges, pourries et sans difficulté, ce qui permet de progresser rapidement.
4 brèches assez profondes (5 à 10 m) et qu'on ne voit qu'au dernier moment opposent les principales difficultés, surtout pour descendre (la remontée en face est généralement facile, toujours en rocher pourri !)
- 1ere brèche assez facile en désescalade (III) mais rendu délicate par un rocher franchement pourri, légèrement à gauche du fil.
- 2ème brèche, raide avec des gros blocs pas totalement stables, désescalade (III).
- 3ème brèche : techniquement plus délicate à désescalader mais possible (IV), nous sommes passés côté Nord (à droite), un court pas peu prisu (mais rocher assez correct) 1m50 au-dessus d'une vire dominant la face Nord. Pas de protection pour celui qui passe en dernier...
- 4ème brèche : descente proche du fil, rocher correct très court mais assez technique (IV ou IV+ ?). Un piton au sommet permet de faire un petit rappel de quelques mètres.
On monte ensuite facilement au sommet de la pointe des Arbennes en rocher toujours délité.
Descente de la pointe des Arbennes : le plus logique et joli à ce stade c'est de passer le col de la Forclaz (une sente coupe à flanc dans l'herbe sur la gauche vers 2350), descendre le vilain pierrier vers le sud-est, puis retrouver le sentier depuis Doran qui ramène à Montferrond par le passage du Saix Noir, ou une sente à peine plus haut dans les pentes sous les tours d'Areu.
L'ensemble constitue une boucle de 11 km environ et 1300-1400 m de dénivelé, réalisable en 7-9h avec un rythme classique.
Merci grandement à Enrico pour certaines des photos et de son enthousiasme pour ce type d'ascensions.