Deux séjours de ski de randonnée pendant et après le mauvais temps

Faire une activité de pleine nature demande une perpétuelle remise en question en fonction des prévisions météo et surtout des observations sur place qui indiquent les évolutions du terrain. A fortiori lorsqu'on évolue en haute-montagne, milieu isolé et considéré comme 'extrême', terme un peu fort que je remplace volontiers par 'hors-norme'.
Ce début du mois d'avril, nous avions prévu de passer quelques jours dans le Val de Rhêmes, en étoile autour du refuge Bénévolo. L'arrivée prévue et confirmée de la tempête Diego nous a alertés : doit-on maintenir la sortie, quelle est la motivation du groupe ? Si on veut maintenir une activité, est-on au bon endroit ? Si nous allons à cet endroit, quelles précautions particulières prendre ?
Autant d'interrogations et d'échanges que nous avons eu avec mes deux compagnons qui ont cédé assez facilement à mon optimisme : pour moi nous pouvions aller dans cette zone, j'espérais celle-ci épargnée en partie par la perturbation vue son emplacement, et je savais mes deux lascars en forme et bien équipés. Leur envie de nature et de vacances a fait le reste : nous étions partis.


En réalité seule la première journée est apparue comme normale, sur la lancée du mois de mars en ski de printemps. Les 3 suivantes étant faites soit dans un mauvais temps relatif, et/ou avec des risques nivologiques réels - annoncés à 4 donc forts.
Pas question donc de laisser ses sens au repos, chose de toute façon assez rare lorsqu'on est guide de montagne !

Au final, nous avons évolué sur des pentes douces, le secteur le permet, et avons essayé d'éviter les zones battues par le vent, ce qui fut assez bien réalisé, sauf près des crêtes ! Avec une neige compactée et sans grand enfoncement, il était possible de skier correctement même dans des pentes assez peu inclinées, donc c'était agréable lorsque la visibilité le permettait.
Les outils d'orientation sont désormais courants et simples d'utilisation : montres connectées ou téléphone, il est bien rare de ne pas avoir au moins 2 GPS dans un groupe ce qui garantit de savoir sa position. Je rappelle quand même souvent que savoir où on est n'aide pas à lutter contre le mauvais temps : être confronté à un vent de 80 ou 100 km/h qui soulève la neige, ne plus voir grand chose (condensation qui gèle sur les lunettes ou le masque), le froid renforcé, le jour blanc, l'absence de secours rapides si vous vous faites mal : votre GPS n'y pourra pas grand chose...

Il reste donc forcément un risque résiduel lorsqu'on décide de se confronter au mauvais temps. N'est-ce pas l'essence même de la vie ? Je crois que mes deux compagnons ont apprécié nos sorties, certes avec peu de vue certains jours, mais une réelle ambiance de solitude, un engagement relatif, maîtrisé, qui nous a permis de faire au moins 1000 m de dénivelé par jour, toujours seuls. Et un bouquet final dans le vallon du Gran Vaudala avec une visibilité revenue.

Sorties réalisées (risque 3 et 4) :
J1 : Thumel - col de Fond (beau temps très chaud).
J2 : Bénévolo - col du Gran Vaudala : vent fort au col, visibilité correcte. Neige récente compactée, pas de grosses accumulations sur l'itinéraire suivi.
J3 : Bénévolo - col de Nivoletta : trace importante à la montée. Très fort vent au sommet, descente peu ludique sans visibilité. Petite montée dans une relative accalmie l'après-midi pour skier des zones en neige de printemps proches du refuge (la neige s'est peu déposée dans certaines zones) : du bon ski cette fois !
J4 : traversée et descente du vallon du Gran Vaudala : montée à optimiser, mais assez peu d'accumulations dans ce secteur ce jour là. Descente prudente, un passage clé vers 2700-2800 m.



Dès le lendemain, j'avais décidé de revenir dans ce secteur pour 2 jours avec deux autres personnes, des fidèles bons skieurs également.
Cette fois le grand beau temps était au rendez-vous, et les risques principaux étaient d'ordre nivologiques. D'autant qu'avec une montagne toute pure en plein soleil, l'envie était grande de tracer de belles courbes.
Bien informé des conditions du secteur puisque j'y étais les jours précédents, nous avons pu sans doute réaliser des pentes que je n'aurais peut-être pas faites sans cette expérience préalable.
Avec des bons skieurs pas de garantie d'éviter l'avalanche mais on sait que les virages seront plus fluides, les appuis moins marqués. Le très bon regel des deux premiers jours de beau temps et cette neige tombée humide (au moins jusqu'à 2800-2900), rapidement compactée, ça donnait confiance. Les principaux dangers me semblaient être soit des accumulations liées au vent, en neige sèche plus froide en altitude, soit des purges de neige lourde une fois la douceur revenue, dans les adrets un peu plus bas. Le bulletin d'avalanche italien allait dans ce sens.
Nous avons pu donc faire de belles pentes, proches de 30° et parfois un peu au dessus selon les versants et l'horaire, avec des précautions d'éloignement et en gardant toujours une porte de sortie, un plan B si les observations en temps réel n'allaient pas dans le sens de nos décisions initiales.

Sorties réalisées (risque 3) :
J1 : Thumel - Sommet du Gran Vaudala et descente assez directe (versant Bénévolo). Recherche des zones lisses, super ski, passage clé dans une combe >30°.
J2 : Bénévolo - Becca Traversière, descente au lac de Golette et retour. Neige qui tourne en printemps sur les versants exposés au soleil. Purges observées dans les pentes raides l'après-midi. Passage clé au retour dans les pentes Est dominant Bénévolo en neige s'alourdissant.